Fanon Julienne

Doctorante à l’IMMM - Institut des Matériaux et Molécules du Mans

Fanon Julienne

Fanon Julienne, doctorante à l’IMMM (Institut des Matériaux et Molécules du Mans)

Caractériser le vieillissement et la fragmentation des plastiques pour comprendre leur devenir dans les océans…

 

Fanon JULIENNEÉtudiante en troisième année de doctorat, Fanon Julienne ne sait plus où donner de la tête. Les expériences menées depuis deux ans et demi sur le vieillissement et la fragmentation des plastiques donnent enfin tous leurs résultats. Fanon n’a plus que quelques mois pour rédiger sa thèse et valoriser ses travaux dans des revues scientifiques expertisées par des spécialistes internationaux. Et ses résultats sont attendus car le sujet est brûlant ! Nos sociétés surconsomment les plastiques en tous genres. 320 millions de tonnes (PlasticsEurope,2016) sont produits tous les ans dans le monde avec comme principaux fabricants la Chine, l’UE et l’Amérique du Nord (croissance de 3,7%/an). Les principaux consommateurs sont en Europe, l’Allemagne, l’Italie et la France.

Loin d’être tous recyclés ou valorisés (combustible), 1/3 de ces plastiques se retrouvent dans la nature, colonisant l’ensemble de la planète, même les espaces les plus reculés : des microparticules de plastique ont été retrouvées depuis les plus hauts glaciers alpins (EGU, 2019) jusque dans les entrailles  de crustacés vivant à 11km de profondeur dans la fosse des Mariannes…

Chaque année, entre 8 et 10% du plastique produit est ainsi déversé dans les océans, charrié par les fleuves ou rejeté par le transport maritime.

Depuis une dizaine d’années, les études se multiplient pour comprendre le devenir ultime de ces plastiques dans l’environnement.

 

En 2014, des estimations ont montré que seulement 269 000 tonnes de plastique étaient présents à la surface des océans, soit à peine 1% du plastique déversé annuellement.

Le plastique flottant en surface ne représente que 1% de l’apport annuel ? Ou sont les 99% manquant ?

F.J. : « On imagine que différents processus peuvent être mis en jeu. Une partie des plastiques pourrait sédimenter au fond des océans, être ingérée par des organismes aquatiques ou bien subir une fragmentation qui produirait des particules de très petites tailles difficiles à détecter et identifier. Lorsque l’on analyse la distribution des tailles de particules des plastiques présents en surface, on s’aperçoit qu’il y a un déficit des toutes petites particules par rapport à ce que l’on pourrait prédire statistiquement. Cela pourrait signifier que ces microparticules ont un comportement spécifique dans la colonne d’eau ou bien que le phénomène de fragmentation subi par le plastique produirait moins de petites particules qu’attendues. Et c’est tout l’objet de ma thèse. »

Vieillissement et fragmentation du plastique, c’est donc le sujet de votre thèse ?

F.J. « Oui, l’idée est de regarder de quelle manière le plastique vieillit puis se fragmente, et surtout de savoir si la fragmentation permet de produire des particules de très petites tailles (jusqu’au nanomètre). Pour cela on travaille sur deux types de polymères : du polyéthylène et du polypropylène qui sont deux pastiques très courants. Le premier constitue par exemple tous les sacs plastiques, le second est un plastique plus dur avec lequel on fabrique les bouchons ou bien les pare-chocs de voiture. »

Observation en lumière polarisée d’un film non vieilli et de films de Polypropylène et Polyéthylène fragmentés en milieux aqueux après 27 semaines de vieillissement

Mais comment étudier le vieillissement d’un plastique qui prend des dizaines d’années en seulement 3 ans, la durée d’une thèse ?

F.J. « Et bien on met le plastique dans des conditions extrêmes ! On a commencé par extruder des plastiques très purs, sans additifs au CTTM (Centre de Transfert de Technologie du Mans). En effet, il faut connaître le mieux possible le matériau de départ : composition, propriétés. Et ensuite, on le met dans une enceinte à vieillissement accéléré, avec un rayonnement correspondant au spectre solaire. Ces conditions sont équivalentes à celles de Miami à midi en plein été et cela 24h sur 24. »

Et un plastique qui vieillit, ça se traduit comment ?

F.J. « L’exposition aux rayons UV engendre des réactions d’oxydation qui brisent les chaines de polymères et entraine l’insertion d’oxygène dans les structures. Et c’est entre autres cet oxygène que nous traquons. Pour cela, nous utilisons les différentes techniques d’analyse disponibles à l’IMMM (UMR CNRS 6283) : spectroscopies Raman et Infra-Rouge. D’autres techniques comme la microscopie à force atomique (AFM) permettent de  caractériser la surface des polymères à une échelle nanométrique et de traquer la naissance de fissures qui vont participer à la fragmentation du plastique. »

En plus de s’oxyder, les plastiques se fissurent et se fragmentent ?

F.J. « Oui, altéré en surface et encore sain en profondeur, le plastique se retrouve soumis à des contraintes internes qui provoquent des ruptures. Mais les plastiques ne se fissurent pas tous de la même manière… cela dépend beaucoup des conditions ! En contact avec l’eau, les plastiques se fissurent, mais beaucoup moins lorsqu’ils sont laissés à l’air libre. Le polyéthylène et le polypropylène sont des polymères aux structures très différentes. A l’échelle micrométrique, le premier forme des filaments alors que le second plutôt des petites sphères. Cette différence de structure va engendrer des réseaux de fissures différents. »

En se fissurant, les plastiques forment donc bien de petites particules ?

F.J. « Oui, en particulier le polypropylène. Mais nous sommes encore en train d‘appréhender cette fragmentation. Tout le début de ma thèse a consisté à définir les protocoles de vieillissement et à suivre l’évolution des propriétés des plastiques. Maintenant, nous sommes dans la phase d’analyse de cette fragmentation et de synthèse des résultats. Je pourrai vous donner toutes les conclusions de mon travail lors de ma soutenance de thèse à l’automne… »

Rendez-vous est donc pris !

 

Pour compléter le sujet retrouvez Fanon lors de sa prestation au concours « Ma thèse en 180s »

 

 

Portrait

Fanon Julienne  a débuté ses études par 3 années de classes préparatoires. Mais, attirée par l’enseignement et la recherche, elle décide de ne pas poursuivre en école d’ingénieur et de s’inscrire en 3ème année de licence de physique à l’Université du Mans. Lors de son année de Master 1 en physique et dans le cadre des partenariats internationaux de la Faculté des Sciences et Techniques, Fanon effectue un stage de recherche à l’Université de Katowice (Pologne). C’est en Master 2 qu’elle commence à travailler sur les microplastiques qui constituent aujourd’hui son sujet de thèse.

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